Les yeux au ciel, étourdie par la nuit, elle choisi sa place. Son pied gauche aimanté, enraciné sur un axe transversant son corps de la terre à la lune. Le pied droit démarre sa ronde et la toupie se met en marche.
Elle stabilise, s’envole, accélère. Ses bras, dociles, suivent le mouvement, vivent puis l’emportent, la transportent. Elle tourne, girouette, s’enfouira-t-elle sous terre ? Où s’enfuira-t-elle ?
Elle retrouve la spirale qu’elle avait oubliée.
Il lui semble nécessaire de tourner. Parfois elle prend son temps, se déséquilibre, elle titube quelque peu. Et puis elle accélère, ses yeux ne regardent pas, ni moi ni le ciel. Un bras tendu, le buste légèrement arqué, elle se laisse aller en conscience. Je ne sais pas compter ses tours. Je ne sais pas dire où elle est, avec qui ? Je ne saisi pas ce qui se passe en elle, ce qui la remplie. J’ai lu ça, une "petite fille au bout du chemin" demander "de quoi tu es remplie ?"1*.
Qu’est-ce qu’il y a dans le corps d’une danseuse ? d’une girouette ?
Parfois elle s’arrête, en plein élan, dansante, immobile tourner encore.
Je cherche. Comment tourner mes phrases ? Comment les tourner sans me détourner d’elle ? Écrire ? Décrire ? Inventer ?
Elle tourne et je suis retournée, chamboulée, mise à l’envers. On dit "remettre à l’endroit". Par rapport à quoi ? Elle tourne et c’est moi qui ai le tournis. Dans un monde qui donne le vertige, tourner serait une issue ? - Tourne ! Encore ! Encore ! - Tourner pour se recentrer. Sans détour.
Vous diriez que je tourne en rond. Peut-être vous auriez raison de le dire, c’est alors que j’aurais réussi à tourner, moi aussi.
Mais encore, tourner comment ? Un saut dans le vide ? Une ivresse ? Un plongeon ? Un raz de marée ? Tourne moi vers toi. Tourne toi, tourne sur toi, mais ne te retourne pas. Tourne toi vers toi. Ne t’en détourne pas. Tu te contournes, je le vois. Vautour curieux tu t’arraches à la terre, tu ôtes avec force son emprise sur ta pesanteur. Allez tourne, essaye, tente, teste, recommence, échoue, relève toi, tourne encore. Joue ton tour avec force.
1*Lafon Lola, "Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce"
©Les éditions vagues
Comments